Revirement de jurisprudence : La garantie décennale n’a désormais vocation à s’appliquer qu’en présence d’éléments d’équipement constituant eux-mêmes un ouvrage
Publié le :
04/06/2024
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La garantie décennale de l’article 1792 du Code civil rend le constructeur responsable des dommages survenant dans un délai de 10 ans à compter de la réception des travaux :
« Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination ».
L’article 1792-2 du Code civil précise que cette présomption de responsabilité n’a vocation à s’appliquer seulement pour les éléments d’équipement d’un ouvrage qui « font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert. ».
Cette garantie va permettre au maître d’ouvrage d’engager la responsabilité du constructeur en cas de dommage.
Ainsi, un dommage compromettant la solidité de l’ouvrage ou le rendant impropre à sa destination va engager la responsabilité du constructeur, à condition que les éléments engendrant le dommage constituent des ouvrages.
C’est ce qu’est venue énoncer la Cour de cassation, dans son arrêt du 21 mars 2024, venant opérer un important revirement de jurisprudence.
Dans cette affaire, des particuliers avaient conclu un contrat portant sur l’installation d’un insert dans la cheminée de leur maison.
Après cette installation, un incendie s’est déclaré. Ils ont alors assigné le constructeur installateur de l’insert au titre de la garantie décennale.
Les demandes du couple sont acceptées par la Cour d’appel qui condamne le constructeur installateur de l’insert et son assureur à des dommages-intérêts au regard du préjudice matériel subi.
Le constructeur installateur de l’insert engage un pourvoi devant la Cour de cassation, et invoque le fait que seuls les désordres causés par des travaux constitutifs d'un ouvrage relèvent de la garantie décennale.
Pour le constructeur installateur de l’insert, celui-ci n’est pas constitutif d’un ouvrage.
Dès lors, la garantie décennale serait inapplicable.
La Haute juridiction casse et annule l’arrêt d’appel en s’appuyant sur la combinaison des articles 1792, 1792-2 et 1792-3 du Code civil et donne raison au constructeur installateur de l’insert.
Avant de justifier sa censure, elle dresse un historique de ses décisions.
Elle rappelle notamment que si, au départ, tous les désordres relevaient de la responsabilité décennale (Civ, 3ème. 15/06/2017, n°16-19.640), toutefois, cette jurisprudence voulant protéger davantage les maîtres d’ouvrage n’a pas eu l’effet escompté. Cela explique son abandon par la Cour de cassation et son revirement de jurisprudence.
C’est ainsi que la Cour de cassation fixe désormais sa définition relative à la garantie décennale des éléments d’équipement de la manière suivante :
« si les éléments d'équipement installés en remplacement ou par adjonction sur un ouvrage existant ne constituent pas en eux-mêmes un ouvrage, ils ne relèvent ni de la garantie décennale ni de la garantie biennale de bon fonctionnement, quel que soit le degré de gravité des désordres, mais de la responsabilité contractuelle de droit commun, non soumise à l'assurance obligatoire des constructeurs ».
Certes, ce revirement fait perdre aux maîtres d’ouvrage la présomption de responsabilité des constructeurs et la garantie de l’assurance obligatoire, mais elle présente un avantage concernant l’action en Justice.
Puisque la garantie décennale n’a plus vocation à s’appliquer, les particuliers souhaitant agir devront le faire dans le délai de droit commun de 5 ans imposé par l’article 2224 du Code civil et non plus dans le délai de garantie biennale.
La SCP LEFEBVRE et THEVENOT vous conseille en cas de conflit avec un constructeur et vous accompagne dans le cadre de la conclusion ou d’une action tendant à l’installation d’éléments d’équipement.
Référence de l’arrêt : Cass. civ. 3ème du 21 mars 2024, n°22-18.694
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