Contrat de Construction de Maison Individuelle (CCMI) : Les dernières précisions jurisprudentielles concernant l’étendue de la garantie de livraison à prix et délais convenus
Publié le :
07/07/2023
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La garantie de livraison, constituée par une caution solidaire donnée par un établissement financier ou d’assurance, est obligatoire pour tout contrat de construction de maison individuelle (CCMI) et fait partie du régime protecteur dont bénéficient les maîtres d’ouvrage, concernant les éventuelles défaillances du constructeur.
L’article L 231-6 du Code de la construction et de l’habitation prévoit les cas dans lesquels le garant doit prendre en charge les coûts nécessaires à l’achèvement de la construction :
« a) Le coût des dépassements du prix convenu dès lors qu’ils sont nécessaires à l’achèvement de la construction, la garantie apportée à ce titre pouvant être assortie d’une franchise n’excédant pas 5 % du prix convenu ;
b) Les conséquences du fait du constructeur ayant abouti à un paiement anticipé ou à un supplément de prix ;
c) Les pénalités forfaitaires prévues au contrat en cas de retard de livraison excédant trente jours, le montant et le seuil minimum de ces pénalités étant fixés par décret. »
Bien que l’étendue de la garantie de livraison importante, elle n’a pour autant pas vocation à être illimitée.
Ainsi, le garant de livraison n’a pas à mobiliser la garantie au-delà des conditions imposées par la loi, comme l’a rappelé la Cour de cassation, dans son arrêt du 13 avril 2023, venant préciser les contours de la prise en charge des dépassements de prix convenus nécessaires à l’achèvement de l’ouvrage.
Dans cette affaire, des particuliers victimes de désordres dans la construction de leur maison individuelle avec fourniture causés par le constructeur auquel ils avaient confié le chantier, la gravité des désordres de la maison était telle, qu’il s’avérait impossible d'échapper à une démolition avant de reconstruire.
Cela obligeait les particuliers à assigner le constructeur et le garant de livraison en paiement des préjudices découlant de cette situation.
Le garant de la livraison use de son recours envers l’assureur décennal du constructeur et les demandes de la société garante sont rejetées par la Cour d’appel qui la condamne, avec le constructeur, au paiement des préjudices allégués par les clients.
La Haute juridiction, au visa de l’article L 231-6 du Code de la construction et de l’habitation, répond au pourvoi du garant en trois temps.
Premièrement, elle constate que pour les juges du fond, la condamnation du garant au paiement des dépenses liées aux travaux de finition réservés par les maîtres d'ouvrage, et de travaux connexes aux lieux et place du constructeur défaillant, tant dans le respect du délai de livraison que dans la levée des réserves, vise à mettre à sa charge toutes les réparations nécessaires à l’achèvement de la reconstruction.
La Cour rappelle qu’effectivement, le garant est engagé à supporter tout dépassement du prix global stipulé dans le contrat, quand il est nécessaire à l’achèvement de la construction.
Pour autant, le garant n’est pas censé prendre en charge les travaux que le maître d'ouvrage s’est réservés ou les travaux ayant fait l’objet d’un avenant avec le constructeur.
De même, les travaux qui ne figurent pas dans le contrat de CCMI, ou dans la notice descriptive ne sont pas couverts par la garantie, sauf à ce qu’ils soient considérés comme essentiels à l’achèvement de la construction.
Cependant, l’arrêt d’appel est cassé pour imprécision puisque la juridiction du second degré ne précise pas « en quoi les coûts mis à la charge du garant correspondaient à un dépassement du prix convenu nécessaire à l’achèvement de la construction ».
Deuxièmement, la Cour Suprême censure aussi un autre point car la Cour d’appel a prononcé la condamnation du garant, in solidum avec le constructeur au versement d’une indemnité au titre des frais de déménagement et de location des maîtres de l’ouvrage.
Or, sauf stipulation contraire, le garant ne peut pas être tenu des dommages-intérêts résultant de la réparation de préjudices distincts du coût de l’achèvement des travaux.
Par conséquent, la Cour de cassation marque le principe selon lequel la garantie ne s’étend pas à tous les types de préjudices.
Ainsi, l’arrêt d’appel est cassé sur ce point, puisque les frais en question constituent un préjudice autre que ceux qui relèvent de l’achèvement des travaux.
Troisièmement, la juridiction d’appel a rejeté le caractère décennal des désordres constatés au sens de l’article 1792 du Code civil, car il n’est pas démontré comment les malfaçons constituent une atteinte réelle à la solidité de l’ouvrage mettant en péril son usage, et avait attribué ces désordres à l’inexécution défectueuse et non conforme au CCMI du constructeur, excluant donc le recours en garantie du garant de la livraison à l’égard de l’assureur, en dépit des défauts affectant la structure.
La Cour de cassation n’est pas satisfaite du raisonnement de la juridiction de second degré, qui a pu constater que la maison était « complètement bancale et de guingois », ce qui implique que la réparation ne pouvait avoir lieu avant la démolition.
La Cour en déduit que le caractère décennal des désordres est justifié par leur gravité similaire à ce qui est prévu par l’article 1792 du Code civil.
Dans cette affaire, l’arrêt de principe entrainant cassation, constitue l’occasion pour la Haute juridiction de rappeler que, lorsque la garantie de livraison est mise en œuvre afin de prendre en charge les travaux nécessaires à l’achèvement d’un immeuble, il peut s’agir de la reprise des désordres de nature décennale.
Ainsi, lorsque l’obligation du garant de livraison est remplie, celui-ci est en mesure d’exercer un recours subrogatoire à l’encontre de l’assureur dommage ouvrage ou de l’assureur décennal.
En outre, cela signifie qu’en présence de désordres décennaux le maître d’ouvrage peut choisir d’actionner la garantie de livraison, si les préjudices sont liés à l’achèvement des travaux, sans pour autant avoir auparavant sollicité l’assurance dommages ouvrage, avec une déclaration de sinistre.
L’arrêt est intéressant sur ces deux points et participe à une meilleure compréhension de l’articulation de l’indemnisation des victimes de désordres constructifs dont la SCP LEFEBVRE et THEVENOT est coutumière.
Référence de l’arrêt : Cass. Civ. 3ème,13 avril 2023, n°21-21.106
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